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30 ans après avoir amorcé ma démarche artistique, mon processus de création demeure une énigme. Entière.

Je ne sais pas comment fonctionne mon imaginaire ni comment naissent les projets, mais je constate quelques récurrences.

Lorsque je suis intriguée par un sujet, je me retrouve dans un état d'hypersensibilité, de cognition exacerbée. Pourtant, je suis inconsciente des préliminaires créatifs.

 

L’œuvre prend forme dans l'angle mort de ma démarche artistique. Je ne perçois qu’un ensemble de questions, qu’une curiosité de plus en plus obsessive. Je cherche des définitions, des essais, des documentaires ; une piste suivie en révèle dix autres. J’alterne entre lectures, prises de notes illisibles, brouillons de textes, création d’œuvres visuelles. Je me laisse porter par un fil où se forment de multiples boucles. Et c'est à ce moment-là qu'une image surgit, que le fragment d'un univers littéraire s’impose.

Sous la curiosité liée à un sujet, il y a, toujours, une pulsion d’anticipation.

Avant d'écrire mon premier roman La Mue de l'hermaphrodite, je venais de m'extirper d'une consommation quotidienne de marijuana et j'entrais dans une vie de sobriété. Mon roman, construit autour de la création d'un empire de nouveaux psychotropes, s'intéresse à la fonction des psychotropes dans le déploiement de la conscience de l'humanité.

Au moment où mon roman Ataraxie a commencé à poindre, j’étais confrontée à de multiples femmes de mon entourage qui valorisaient une transformation physique radicale par la chirurgie esthétique et je me questionnais sur le sens de cette mutation du féminisme.

Sous béton a pris forme au tournant du millénaire, alors que l’effroi concernant l'épuisement des ressources, les changements climatiques et l'extinction accélérée des espèces commençait à créer une immense vague médiatique. Une question me hantait de plus en plus :  qu’adviendra-t-il de l’humanité de l'autre côté de toutes ces catastrophes annoncées ?

 

De synthèse s’est imposé alors que je nourrissais une fascination pour l'émergence du corps virtuel tout en étant terrifiée par l’immense douleur de ma mère, en phase terminale d’un cancer. J’étais située en plein milieu, entre la composition d’un corps virtuel et la décomposition du corps biologique de celle qui m’a donné la vie. L’anticipation était alors viscérale. Chaque seconde me tirait vers la disparition de ma mère et m’obligeait à penser à ma propre finalité. Physique et artistique.

 

Actuellement, le déploiement de l’IA, en conjonction avec l'utilisation civile et militaire du nucléaire, stimule mon imaginaire. Les centrales nucléaires vétustes, la mauvaise gestion des déchets nucléaires et l'armement nucléaire suscitent des visions futuristes anxiogènes. Le rôle de l’IA dans la transformation accélérée de l’humanité, dans un contexte climatique, énergétique et politique hautement périlleux, fait jaillir des étincelles entre mes neurones.

 

L’anticipation opère d’une étrange manière. Je perçois les conséquences inévitables, les bouleversements radicaux, mais plus encore je découvre des possibles inédits.

 

À partir d'un brouillard inquiétant, je vois surgir une forme harmonique, une équation esthétique et philosophique qui va transformer ma perception du monde et, incidemment, faire naître un nouveau point d’interrogation qui relancera mon processus de création.

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 images numériques | vidéos | texte : KAROLINE GEORGES

musique: ALEX FOREST

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